Les sports de nature | Sejour-sportif-en-transition,319 |
Séjour sportif en transition |
Comment pourrai-t-on commencer cet article ? Par dire tout simplement que notre société est devant un défit de taille : sera-t-elle capable de gérer la crise climatique dont on parle depuis plusieurs décennies, la dernière crise économique et sociale que nous subissons depuis déjà 5 ans mais aussi la crise énergétique qui va bientôt pointer le bout de son nez ?
Bien sûr ces questions sont centrales, mais faut-il tout arrêter pour éviter de polluer notre terre et celles de nos enfants pour pratiquer une activité aussi puérile que les sports de loisirs ou les compétitions élitistes ? Prendre cette position ne convaincra personne. Cet article n’a pas l’ambition d’y répondre, ni de clarifier les différences de vision entres les adeptes du développement durable et ceux de la décroissance, ni de culpabiliser les sportifs. Nous sommes en plein dans une situation complexe qu’il faudra bien gérer un jour au risque de voir notre mère nature ou pire le libéralisme prendre les choses en mains et certainement au détriment des peuples.
Mais vous me direz : quel rapport avec le sport ? Et bien rapport il y a quant on considère le sport comme une activité humaine qui a aussi son empreinte carbone.
L’enjeu est de savoir si nous, militants de la FSGT, pourront dans l’avenir remplir nos objectifs de sport populaire et de sport pour tous alors que la société se « tend » (subventions en replis, transports plus cher, dégradation de la répartition des richesses, coût de la vie en hausse, matériel de plus en plus onéreux) ? Cette situation sera directement ou indirectement liée aux trois défis précédemment cités de notre société. La seule solution en vue est d’innover une société alternative pour diffuser les valeurs qui nous sont chères.
L’objet premier de cet article est de rendre public les initiatives d’adhérents FSGT qui ont essayé de mettre un peu d’éco-responsabilité dans leurs pratiques sportives (escalade en falaise). Cela montre que d’autres modes d’organisation sociale sont possible, même si les solutions clé en main n’existe pas. Mais une réflexion sur l’impact environnemental de leurs pratiques sportives a amené certains grimpeurs à des actions concrètes. Ils ont donc dû faire des choix. Ce n’est pas nouveaux, il faut toujours faire des choix quand on organise un séjour sportif en falaise, mais ces choix « politiques » devront amener les participants à avoir un comportement plus respectueux de l’environnement et une prise de conscience de l’impact de leurs loisirs. Les choix se feront sur la prise de conscience suivante : la transition de notre pratique sportive dans un séjour associatif peut -elle concilier les problématiques actuelles sur la réduction de l’empreinte carbone et le désir d’activité physique sans frustrer le sportif ?
En fait il leur a fallu définir de nouvelles règles de vie liées à de nouvelles contraintes de société tout en assurant un temps suffisant de pratique sportive, en gros revenir fatigué mais content de sa journée.
Pour tenter d’y répondre, nous ferons référence au fil de cet article à trois initiatives concrètes que nous pourrions qualifier de séjours sportifs en transition (consulter les interviews des organisateurs) :
Il est généralement admis qu’il est très difficile de faire de l’escalade sans voiture (il en va de même pour la plupart des sports de nature) soit pour pouvoir se rapprocher au plus près du lieu de pratique, soit parce que les lieux d’hébergement de groupe sont souvent éloignés. Et pourtant certains grimpeurs ont imaginé construire un séjour d’escalade sans voiture. Pour Sophie et Nolwenn, le « sans voiture est venu naturellement » car le site des Calanques s’y prête assez bien. Elles n’ont d’ailleurs pas de voiture et n’en sont pas fans. Sandrine et Pierre ont choisi un site d’escalade idéal pour aller y grimper tous les jours à pied, et ils n’avaient pas envie de perdre les deux journées nécessaire pour s’y rendre en voiture (aller et retour). Juliette, qui avait envie d’allier ses deux passions, a acheté un casque homologué pour l’escalade et le vélo et a ainsi pu rejoindre ses amis grimpeurs en vélo et pratiquer de l’escalade dans la foulée. Au final les maîtres mots qui en ressortent sont : liberté de mouvement, simplicité de gestion, confort de vie. Donc le mode « sans voiture » ne génère pas forcement de frustration, il suffit de savoir s’adapter et de choisir les sites d’escalade qui s’y prêtent et de ré-apprendre à prendre son temps.
On ne peut pas dire qu’ils soient des militants écologistes purs et durs , mais ils y sont très sensibles dans leur vie de tous les jours. Chacun, suivant son degré d’engagement, privilégie les transports en commun, évite l’avion quand c’est possible, essaye de manger des aliments locaux et de saison, parfois bio, évite de sur-consommer, fuie l’achat inutile et le sur-emballage. De bien belles démarches individuelles tout de même !
Leur vision de la protection de l’environnement est variée et très intéressante . Nolwenn a bien conscience de l’impact de son activité sur l’environnement, « si tout le monde faisait des efforts, cela sera mieux. Mais cela ne suffira pas, car c’est toute une société qu’il faut transformer, l’évolution de la législation devra seconder les démarches volontaires ». Pierre pense que la protection de l’environnement est un problème de pays riches, « c’est les pays riches qui polluent le plus, pendant que le tiers monde se préoccuper d’abord à se nourrir et n’ont pas la tête à penser à l’environnement ». Il pense qu’il faudra un certain courage personnel et politique pour reconsidérer nos modes de vies, mais comme il le dit « actuellement il n’y a pas eu de politiciens influents qui allaient dans ce sens ». Sophie pense que la voiture est plus « anecdotique » par rapport à l’avion : « c’est aberrant de prendre l’avion pour aller à Toulouse plutôt que de prendre le train, mais comme ce dernier est plus cher et plus long, ce n’est pas incitatif ». Elle évite de sur-consommer mais elle n’est pas une militante écolo : « le bio me met hors de moi quand on sait que cela peut venir du monde entier comme les abricots Chilien alors que ça peut aussi pousser en France. Je fais attention en consommant local ».
En matière d’hébergement , tous disent que le plus dur a été de trouver un gîte de groupe proche des sites d’escalade. Il n’a donc pas été envisagé d’en trouver un conçu suivant des critères d’intégration écologique (BBC, matériaux de construction écologique, etc…). Les grands gîtes s’installent rarement proches des falaises car l’escalade n’est pas une activité touristique économiquement rentable par rapport à la randonnée par exemple. De plus jusqu’à maintenant les sites d’escalade ont été généralement aménagés seulement pour leur intérêt sportif ou leur « beau rocher ». Mais je me prends à rêver qu’un jour des nouveaux sites d’escalade seront aussi choisis pour leur accessibilité en mobilité douce. Et leur succès serait certain pour les mêmes raisons que l’ont été les SAE construites en ville pour « rapprocher » les falaises des villes, et on en connaît maintenant le succès qu’elles ont.
Organiser un séjour sans voiture n’est pas forcément moins cher , même si on se passe d’une voiture, car un mode de déplacement est nécessaire pour aller jusqu’au gîte. Le train peut être très performant si on sait lui adjoindre un autre moyen de transport (taxi, bus, vélo ou notre fidèle paire de pieds). Il n’est pas non plus forcément plus cher si on sait jongler avec les tarifs réduits disponibles. Mais il faut souligner que le choix du « sans voiture » n’est pas un choix économique, car ils l’ont tous plus ou moins dit : « s’il avait fallu, on aurait loué une voiture sur place ». Un problème épineux reste l’approvisionnement en nourriture, car les falaises ou les gîtes proches des falaises ne sont pas forcement proches d’un magasin d’alimentation. Pierre et Sandrine ont ainsi pu négocier des livraisons à domicile, grandement facilité par le montant de la facture pour un groupe de grimpeurs qui ont de l’appétit après la grimpe, de plus une petite épicerie dans le village permettait d’y faire des achats de dernières minutes. Juliette et ses compagnons était autonome pour trois jours à vélo. Sophie et Nolwenn ont « transféré » leurs courses avec un caddie de la supérette proche de leur gîte.
La restauration ne pouvait pas être totalement bio, locale pour les mêmes problèmes d’accessibilité. Mais les repas étant généralement préparés par les grimpeurs eux mêmes, il a été plus facile de limiter le gaspillage, les emballages individuels dans une ambiance conviviale et efficace.
Les bagages transitant par les transports collectifs n’ont pas vraiment été limités en taille et en poids, dans la limite de la capacité de portage des intéressés. Mais il semble que cela n’a pas posé de problème même pour les séjours d’une semaine. Les grimpeurs cyclotouristes ont tout de même dû faire quelques concessions principalement parce qu’ils n’avaient pas de carriole.
Le matériel d’escalade n’a pas non plus subi des coupes drastiques. Il a surtout fallu faire attention aux nombres de cordes d’escalade à prendre. Le séjour dans les Calanques étant propice aux grandes voies, il a fallu prendre un peu plus de cordes que nécessaire, majoritairement des cordes à simple par rapport aux cordes à double. Avec cette souplesse de cordes en « rab », il a été très facile pour les cordées d’alterner entre les « couennes » et les « grandes voies » sans générer de frustrations. Pour le séjour de Saint Jeannet, il y avait juste assez de corde, mais de toute façon il n’y avait pas trop d’adepte des grandes voies, et puis il est toujours possible de grimper avec du matos de grandes voies dans des « couennes ». Nos cyclotouristes ont un peu triché en faisant porter leur corde par leurs amis venant en voiture, mais ils auraient pu les porter en s’allégeant de cinq kilos de patate et de quelques bouteilles de vin…
Tous les organisateurs trouvent le bilan de leur séjour positif , et d’une manière générale les participants ont été contents de leurs vacances sportives. Nolwenn précise que « les participants ont bien joué le jeu. Les cordées étaient autonomes, elles avaient la possibilité de se rejoindre sur un site d’escalade suivant son rythme. Tout le monde revenait repu de sa journée de grimpe. Même si on ne sait pas si cela a créé des émules, mais en tout cas l’expérience, qui a été menée, a été une réussite ». Pour Sophie, le bilan est positif. « J’ai pris plaisir à aller au pied des voies à pied. J’ai été contente de le faire sans voiture, je pense que les participants y ont aussi trouvé leur compte. Ce genre de séjour n’est pas plus difficile à mettre en place ». De même pour Pierre, « l’ambiance était bonne, et on a bien grimpé, de plus le lieu est formidable ». Pour Juliette, « tout le monde était ravi, il a fait beau, c’est préférable en vélo, nous n’avons pas eu de problèmes techniques comme une crevaison, nous n’étions pas frustrés par manque d’escalade. On ne sait pas si on a fait des émules, il n’y a pas eu d’article sur le site internet du club d’escalade ».
L’énergie est centrale pour la stabilité de notre société , la question se pose de mettre en place une taxe sur les carburants pour influer sur sa consommation. Nolwenn n’est pas contre une augmentation du carburant mais pas sans contrepartie, comme la baisse du prix du billet de train par exemple, « j’ai la chance de vivre dans une ville où les transports en commun sont bien développés par rapport à d’autres régions ». Mais elle est bien consciente de la force de persuasion nécessaire pour convaincre une bonne partie de la population mal conseillée par les groupes d’influences des énergies qui ne sont pas prêt à transiter vers un monde plus économe en énergie. Sophie est partagée. Elle n’est pas vraiment convaincue de l’efficacité d’une taxe sur les carburants : « cela reste une sélection par l’argent qui ne touchera pas les plus riches qui auront toujours les moyens de polluer. Je n’aimes pas trop ce ton moralisateur ». Pierre n’est pas contre l’augmentation du carburant mais comme il le dit lui même « il ne faut pas que ce soit une taxe de plus pour payer la dette, une taxe pour une taxe, pourquoi ne pas développer les transports en commun grâce à cette manne financière ». Juliette a le réflexe transport en commun, « on a la chance d’avoir un super réseaux en France, j’ai séjournée au Canada, sans voiture, il n’y a pas beaucoup de train là-bas mais j’ai pris les bus et j’ai fait du covoiturage. Si la taxe sur les carburants augmentent, l’état s’en mettra plein les poches et je ne suis pas sûr que cela change le comportement de gens, les gens qui doivent utiliser leur voiture prendront toujours leur voiture ». De toutes façons si rien n’est fait, le marché mondial libéralisé des énergies augmentera automatiquement les prix quand elles deviendront moins abondantes. Exploiter les gaz de schiste pour garantir les approvisionnements de la France sera source de problèmes environnementaux et ne résoudra pas les problèmes sociaux de notre mode globalisé.
En conclusion, nous pouvons dire qu’il n’y a pas une seule solution mais pleins de solutions à explorer, et qu’il n’est jamais trop tard, sauf que plus on attendra plus il sera difficile de changer nos modes de vie. Mais pour cela la prise de conscience doit d’abord être individuelle, puis locale de manière collective en synergie avec une vie associative et enfin globale par le biais des institutions. En résumé : agir local, penser global.
L’une des forces de la FSGT, qui n’est pas souvent mise en valeur, est son organisation en fédération omnisport. Ce mode de fonctionnement actuellement déconsidéré, car jugé à tord désuet, est en fait une des solutions qui permet d’avoir plusieurs cordes à son arc, et ainsi rendre ses pratiques sportives résilientes.
C’est le bon moment pour introduire le concept de Permaculture qui a été inventé au milieu du XXième siècle dans un premier temps pour transformer les techniques agricoles. Il a petit à petit été appliqué dans d’autres domaines (alimentation et déchets, urbanisme et habitat, transport et mobilité douce, monnaie locale, circuit court, économie circulaire). Elle s’appuie sur une éthique pour construire une société plus soutenable, et qui peut être résumée en trois points :
Et le plus surprenant c’est que cela a déjà été mis en place à l’échelle d’un pays, Cuba, qui a du faire face à la fois à la chute de l’URSS qui le soutenait et à l’embargo américain dans les années soixante. Malgré l’absence d’engrais, de pesticide et de carburant pour les tracteurs, il a réussi à construire son auto suffisant alimentaire pour nourrir sa population.
Alors pourquoi pas le sport ? Un sport populaire résilient et permanent et non destructeur. Certains ont déjà commencer comme Camp To Camp, en partenariat avec Mountain Wilderness, en promouvant la mobilité douce pour aller sur les sites d’escalade (http://www.camptocamp.org/portals/2…).
Les grimpeurs FSGT Franciliens ont répertorié un certain nombre de sites d’escalade accessible en train, à vélo et à pied voire en auto-stop depuis la capitale (Sites-d-escalad…).
Incontournable aussi l’établissement public ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) qui participe à la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du développement durable. Elle propose des conseils et de nombreuses explications pour aider à rendre les citoyens plus écologiques dans leur quotidien. Une série de guides pratiques est également à votre disposition (http://ecocitoyens.ademe.fr/mes-loi…)
Le site internet « Aime Ta Terre » nous fait découvrir comment être sportif sans entrer en compétition avec la planète (http://www.mtaterre.fr/dossier-du-m… sport avec la planete). Le slogan fédérateur est « Sois sport avec la planète ! » et le match se déroule en 4 manches (le déplacement, l’équipement, le choix du sport, la pratique sportive). Allez y faire un saut !
Les Moutain Riders (http://www.mountain-riders.org/_agir) ne sont pas en reste et sont moteurs de pleins d’initiatives liées aux sports de montagne.
Il faut aussi parler du tout récent mouvement « Ville en Transition » qui suit cette démarche pour fédérer les initiatives locales et ainsi avoir du poids afin de faire pression sur les décideurs institutionnels : Son principe est de créer des systèmes plus résilients, plus stables, plus simples, plus aptes à s’adapter, moins gourmand en ressource pétrolière et dans le but de réduction des émissions de C02.
Les autres fédérations ne sont pas en reste et militent à leur manière.