Parmi nombre d’engagements, Albert Jacquard était l’un des parrains et coprésidents d’Honneur, avec Salah Amzil, de « Pour Tikjda, Hommes, Montagnes, nature, Ressources de la Paix ». Fondée pour la relance des sites montagnards français et algériens par la mise en valeur réciproque de tous les savoirs avec leurs habitants, Pour Tikjda a pour particularité d’être soudée par l’amitié. La dispute en est indissociable. Après quoi, parole donnée, parole tenue. Accueillir sur les marches du Grand Palais, malgré la douleur de la perte de son épouse Alix, la délégation de nos partenaires de l’Association algérienne Mimouna, était pour lui l’occasion de soutenir les amis du Palais de la découverte, toujours en lutte contre la privatisation de ce patrimoine.

Jamais, en dépit de la perte de son fils Bertrand, Albert ne s’est dérobé au possible soutien apporté par sa notoriété au courage d’être humains.

Tout récemment, face à la marchandisation galopante de tous les savoirs, Albert s’enthousiasmait de la conception d’une Cité des savoirs à l’appui d’un dispositif de partage, dont le livret « des Mots contre les Maux » nourrirait ses libres expressions d’une série de conférences interdisciplinaires, chaque étape étant symbolisée par l’invention d’un « mur d’escalade des savoirs » avec la FSGT à Paris, en Ile de France, à travers la France, au Maroc, en Algérie, partout … Les grands rêves se construisent à long terme !

Expérimentant ce dispositif à Saint Etienne, nous nous réjouissions avec le Remue-méninges, de le recevoir parmi les référents des Mots contre les Maux » aux côtés de sa petite fille Marion, pianiste et premier prix de Conservatoire. Avec Jean Paul Barriolade, son dernier éditeur (Le Sang de la Terre), nous consacrerons cette journée du 8 novembre à la genèse de notre dernier livre : « Réinventons l’Humanité » (postface de Serge Latouche).

J’ai rencontré le biologiste généticien Albert Jacquard en 1978-79 sur les conseils d’Albert Lévy, alors président du MRAP. Que dire de cette aventure, depuis les usines avec Travail et Culture, la signature de l’Appel des Cent, la naissance du DAL et de Droits Devant à Pour Tikjda en passant par le Secours Populaire Français et l’ultime aventure au Burkina Faso avec H2O, sans parler de nos livres cosignés de fertiles disputes ?…

Notre amitié fut une fraternité sans faille. Même si… Chacun des êtres formant l’humanité de nos contemporains n’est-il pas « Champion de la complexité » ? Cette richesse n’a d’importance que collective.

« Le flûtiste meurt ; ses doigts poursuivent leur jeu ». (Proverbe palestinien).

Au nom de cette amitié, salut à toute sa famille, notamment Pierre, Brigitte, Sarah, Marion, d’avoir su prendre soin de lui jusqu’au dernier instant, malgré l’apparence de mots parfois blessants, échappés de la douleur d’être obligé de quitter ce jeu dont il a si bien su faire partager les enjeux au-delà de toutes frontières .